RESEAU

mercredi 30 avril 2014

Brautigan Contest Courts #03

LE CHANT DU VENT

« Entends-tu jeune fille ? En es-tu bien sûre ? »

Evidemment qu’elle entendait ! Cette question absurde que lui avait posée un homme inconnu plus tôt tournait en boucle dans sa tête. Que voulait-il dire ?
Elle frappa rageusement une pierre de son pied; de toutes les attitudes qu’elle abhorrait, celle de cet homme était celle qui l’agaçait le plus : elle ne le connaissait pas et pourtant il l’avait abordée et lui avait posé cette question insensée accompagnée d’un sourire sibyllin puis était reparti sans aucune explication.
Malgré tous ses efforts, la jeune fille ne parvenait pas à chasser de son esprit la mystérieuse question et sentant que tourner en rond dans les ruelles du village ne pourrait que l’exécrer davantage, choisit la solitude : elle s’éloigna de la petite agglomération et quitta la grande route de goudron pour un petit sentier qui menait en haut d’une colline isolée.
Arrivée au sommet de l’éminence, elle s’assit en tailleur sous un vieux bouleau accroché à la pente caillouteuse. La jeune fille ferma les yeux et s’appliqua à chasser toute pensée parasite de son esprit ; pourtant, malgré ses efforts, une phrase continua de tourner dans sa tête en une ronde entêtante. Elle prit une ampleur phénoménale jusqu’à ce que le monde se résume à cette simple question.

« Entends-tu jeune fille ? En es-tu bien sûre ? Entends-tu ? Entends-tu ?... »

La fille ouvrit les yeux.
Oui, elle entendait.
Elle comprenait.
Le cri du circaète solitaire.
Le doux balancement de la marguerite.
Et surtout le chant du vent.
Elle avait compris.
Un doux zéphyr se glissa près de son oreille, lui murmura quelque douce mélopée.

La jeune fille sourit :
« Tu crois ? fit-elle à la brise ».
Elle se leva, écarta les bras et se laissa entourer par le vent.
Heureuse, avec l’impression d’être enfin entière.
En haut de la colline, il n’y avait plus personne.

On dit qu’aujourd’hui encore, si, allongé dans l’herbe, vous écoutez attentivement sa voix, le vent vous contera peut-être cette histoire qui commença il n’y a pas si longtemps là.
Au bout du chemin.

Zelia C. (14 ans)
Saint-Firmin,

Hautes-Alpes
Lauréate 2011

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