RESEAU

mercredi 30 avril 2014

Brautigan Contest Courts #07

Chère Araignée,

Je t ‘aime, et je t’en veux : une seule toile de toi devrait permettre à tout le monde d’avoir une grande envie de vivre heureux, rien qu’en te regardant.
Au lieu de ça, tu te fais moche, et velue, en plus ! Pour une fille, ce poil aux pattes c’est pas joli joli.
Fais quelque chose ! Gazouille, par exemple, mélodieusement, dès qu’un inconnu s’approche, ou colle-toi des plumes colorées au derrière, mais fais quelque chose !
Tu te déplaces comme un crabe mal embouché au milieu d’une toile qui tourne vite au vieux chiffon graisseux dès qu’on a le malheur de la frôler, et tout le monde a peur, si petite que tu sois. C’est à cause de ton apparence que les gens malheureux s’en vont parce que plus rien ne les retient, qu’ils passent complètement à coté de la géométrie de pure beauté de tes toiles, de la résistance surnaturelle du fil que tu déroules inlassablement… Pas besoin d’être Spiderman pour le comprendre, surtout le matin quand la rosée fait étinceler chaque trajet de soie, pendant que tu te planques pour mieux descendre le moral de celui qui a le malheur de chercher l’artiste qui a peint cette petite merveille, et vient innocemment te regarder dans le fond de tes huit yeux ! Ca aussi, quelle idée ! Ca fout les chocottes !
La vie est mal faite. Une seule rencontre avec une seule araignée devrait suffire aux mornes, mélancoliques et déprimés, une seule délicate œuvre architecturale pour leur redonner le goût de l’intimité, du partage, celui des mêmes recoins et des mêmes angles de vieux murs…
Au lieu de ça, ils font un petit tour autour de nous et puis s’en vont, et on ne les revoit plus jamais, ils sont « ceux qui sont passés à côté de l’araignée ».

Hélène S.
Saint-André de Rosans
Hautes-Alpes


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