RESEAU

mercredi 30 avril 2014

Brautigan Contest Courts #05

Laragne - Veynes : Montana Express

L’écrit et la vie sont en route ; quasi tous les matins, le long de ce Buëch, le long de la voie ferrée, le blog de la 1075. Il s'agit bien d'un « road movie » immobile, car chaque soir il replie le temps et enroule la pellicule, dans I'autre sens, sagement au fond de la Place de l’église. Elle rêve des livres, des chapitres, des histoires, des nouvelles qui l'emballent, elle pourrait être écrivain ... et, bêtement aussi, elle mijote des réponses non dites aux petits chefs et aux ploucs. Cela lui file le bourdon.

Extirpée de sa gangue de galets et de pommes, de projets en rade, sur lesquels il serait bien utile de s'acharner encore, encore ... et ouvrant l'æil de khol ourlé, elle vise ainsi le nord. Le nord, se défilant entre les synclinaux dûment perchés de Beaumont , d'Aujour et Saint Genis, le nord, le nord magnétik et fantasmagorique.
Sur un ruban de bitume fort malaisé, souvent encombré d'européens vacanceux et campincareux et peint de lignes claires ou de pointillés vomis à l‘envers par un gendarme rancunier, il s'agit dès le matin de faire cache-cache avec le TER qui part, oh délices !, à la même heure. Que ne prend t-elle le train ? le soir elle attendrait sous le réverbère le retour de la nuit noire ... Mais la voiture électrique nucléaire « Areva mon amour » nbxiste pas à Veynes City, qui pourrait la conduire jusqu'aux destinations rêvées de Montmaur ou Gap. « Cette dépense (folle !) n'a pas été inscrite au budget » répondrait ceftainement un Chef. Ce budget décidément, manque d'imagination Durassienne .... Il faudra y remédier. Passage frileux à Pont la Barque qui gèle tout l'hiver à pierres fendre : -5° dès mi novembre jusqu'aux silencieux, pétrifiés -1° de janvier, cette forêt de glace étrange, un lieu magique, le palais de la Reine des Neiges y est enfoui sous les broussailles, dit-on. Une jeune fille lh cherché en cueillant des fleurs de givre qui ont fondu sous ses doigts, à la saison des complicités enfantines. Elle a ensuite laissé son costume scintillant et pris, la route q.ui, encore plus loin vers le nord, apporte les larmes contenues mais amères de la séparation des filles et des mères. Roulent aussi parfois, l'hiver, les larmes de l'échec, de la solitude, et de l'inquiétude. Les eaux salées glissent le long de la route.

« La vie est une vallée de larmes » répétait naguère, l'étudiant espiègle, goguenard, hilare et boutonneux. Savait-il qu'il aurait raison ? La route du fleuve turbulent est surplombée d'un pont Eiffel qui nous promets de lointains voyages vers celui de Paul Doumer et Hanoi, si ce n'est, ici, le désert. Le Fleuve Rouge à larges enjambées, rouillées empofte les souvenirs de l'Indochine. Encore Duras ! Cette embarcation maintenant qui divague et crève sur un terre-plein, pleine de terre, assassinée par un drapeau breton, Gwenn a du passer par là, couvert d'hermines, couchant à l'hôtel des ducs de Bretagne et de ses cousins du même bois. Que dire plus loin, de cet aérogare fantôme perché sur une colline, il n’y a que dans cette vallée que l’on entrevoit cela ... néanmoins quelques record ont été ici ou là épinglés sur les cailloux et les galets vomis par le Buëch d'en haut. La route se poursuit vers Poteau Saint Luc, haut lieu de croisement cheminot qui a donné d'inénarrables rencontres historiques à partir de mails échevelés. Le lieu se retrouve vide maintenant, incroyablement dénudé, il a perdu son cèdre emblématique. Le Montana se rêve à droite vers Chabestan ... une truite pleure en silence. Une bâtisse borde ici le plan d’eau, japonisant si on le laisse faire, repaire de photographes et de théâtreux, abri d'aftistes et repère de diggers. Après la nef couleur Klein posée sous Oule, bateau échoué qui fit parler, parler toujours, un musée dépecé vendu en soldes annonce Veynes, rouge étoile ferroviaire, elle est là, somnolente entre deux vies. Terminus, elle se glisse doucement, se cale, dans l'interstice bleu, tout est pensé, reste à écrire.

Martine M.

Laragne-Monteglin,
Hautes-Alpes
Lauréate 2013

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire