Laragne - Veynes : Montana Express
L’écrit et la vie sont en route ;
quasi tous les matins, le long de ce Buëch, le long de la voie
ferrée, le blog de la 1075. Il s'agit bien d'un « road movie »
immobile, car chaque soir il replie le temps et enroule la pellicule,
dans I'autre sens, sagement au fond de la Place de l’église. Elle
rêve des livres, des chapitres, des histoires, des nouvelles qui
l'emballent, elle pourrait être écrivain ... et, bêtement aussi,
elle mijote des réponses non dites aux petits chefs et aux ploucs.
Cela lui file le bourdon.
Extirpée de sa gangue de galets et de
pommes, de projets en rade, sur lesquels il serait bien utile de
s'acharner encore, encore ... et ouvrant l'æil de khol ourlé, elle
vise ainsi le nord. Le nord, se défilant entre les synclinaux dûment
perchés de Beaumont , d'Aujour et Saint Genis, le nord, le nord
magnétik et fantasmagorique.
Sur un ruban de bitume fort malaisé,
souvent encombré d'européens vacanceux et campincareux et peint de
lignes claires ou de pointillés vomis à l‘envers par un gendarme
rancunier, il s'agit dès le matin de faire cache-cache avec le TER
qui part, oh délices !, à la même heure. Que ne prend t-elle le
train ? le soir elle attendrait sous le réverbère le retour de la
nuit noire ... Mais la voiture électrique nucléaire « Areva mon
amour » nbxiste pas à Veynes City, qui pourrait la conduire
jusqu'aux destinations rêvées de Montmaur ou Gap. « Cette dépense
(folle !) n'a pas été inscrite au budget » répondrait
ceftainement un Chef. Ce budget décidément, manque d'imagination
Durassienne .... Il faudra y remédier. Passage frileux à Pont la
Barque qui gèle tout l'hiver à pierres fendre : -5° dès mi
novembre jusqu'aux silencieux, pétrifiés -1° de janvier, cette
forêt de glace étrange, un lieu magique, le palais de la Reine des
Neiges y est enfoui sous les broussailles, dit-on. Une jeune fille lh
cherché en cueillant des fleurs de givre qui ont fondu sous ses
doigts, à la saison des complicités enfantines. Elle a ensuite
laissé son costume scintillant et pris, la route q.ui, encore plus
loin vers le nord, apporte les larmes contenues mais amères de la
séparation des filles et des mères. Roulent aussi parfois, l'hiver,
les larmes de l'échec, de la solitude, et de l'inquiétude. Les eaux
salées glissent le long de la route.
« La vie est une vallée de larmes »
répétait naguère, l'étudiant espiègle, goguenard, hilare et
boutonneux. Savait-il qu'il aurait raison ? La route du fleuve
turbulent est surplombée d'un pont Eiffel qui nous promets de
lointains voyages vers celui de Paul Doumer et Hanoi, si ce n'est,
ici, le désert. Le Fleuve Rouge à larges enjambées, rouillées
empofte les souvenirs de l'Indochine. Encore Duras ! Cette
embarcation maintenant qui divague et crève sur un terre-plein,
pleine de terre, assassinée par un drapeau breton, Gwenn a du passer
par là, couvert d'hermines, couchant à l'hôtel des ducs de
Bretagne et de ses cousins du même bois. Que dire plus loin, de cet
aérogare fantôme perché sur une colline, il n’y a que dans cette
vallée que l’on entrevoit cela ... néanmoins quelques record ont
été ici ou là épinglés sur les cailloux et les galets vomis par
le Buëch d'en haut. La route se poursuit vers Poteau Saint Luc, haut
lieu de croisement cheminot qui a donné d'inénarrables rencontres
historiques à partir de mails échevelés. Le lieu se retrouve vide
maintenant, incroyablement dénudé, il a perdu son cèdre
emblématique. Le Montana se rêve à droite vers Chabestan ... une
truite pleure en silence. Une bâtisse borde ici le plan d’eau,
japonisant si on le laisse faire, repaire de photographes et de
théâtreux, abri d'aftistes et repère de diggers. Après la nef
couleur Klein posée sous Oule, bateau échoué qui fit parler,
parler toujours, un musée dépecé vendu en soldes annonce Veynes,
rouge étoile ferroviaire, elle est là, somnolente entre deux vies.
Terminus, elle se glisse doucement, se cale, dans l'interstice bleu,
tout est pensé, reste à écrire.
Martine M.
Laragne-Monteglin,
Hautes-Alpes
Lauréate 2013
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