RESEAU

lundi 30 juin 2014

Storie di ordinaria follia (Contes de la Folie ordinaire)

ORNELLA MUTI 1981 (Contes de la Folie ordinaire)

Sophia Loren Documentary

Pane amore e fantasia ... Dino Risi (1955)

'E la nave va', Fellini (1983)

Le Bal (1983)

Les Nouveaux Monstres 1977 Mario Monicelli, Ettore Scola, Dino Risi av...

Les Monstres 1963 De Dino Risi Avec Ugo Tognazzi , Vittorio Gassman Fr

Pain Et Chocolat Fr Brusati,Nino Manfredi Version Française!

Le pigeon 1958 Mario Monicelli Claudia Cardinale, Vittorio Gassman...

Il Mattatore - Dino Risi - Vittorio Gassman 1960 vost FR/ENG

poesia - Vittorio Gassman - verrà la morte e avrà i tuoi occhi.

Cesare Pavese - Verrà la morte e avrà i tuoi occhi

Cesare Pavese e la sua solitudine - CULT BOOK

27 AGOSTO 1950 MUORE SUICIDA LO SCRITTORE CESARE PAVESE (SCHEDA BIOGRAFI...

CESARE PAVESE - da "Il mestiere di vivere"

Cesare Pavese dans la série "Un siècle d'écrivains"

Emil Cioran - documentaire "Un siècle d'écrivains"

samedi 28 juin 2014

Bestiaire

Il y a un léopard
dans mon couloir
rose et noir
avec des yeux violets.
Il stationne.
Il ronronne.
Il a l'air bien intentionné.
Le courant d'air qui passe
par les fenêtres ouvertes
frôle ses oreilles rondes,
le fait éternuer.
Il a une moustache cassée,
hirsute,
qui voudrait se sauver.
Il me regarde.
Il ne bouge pas.
Je lèche mon ongle qui saigne
trop rongé.
J'avance de trois pas.
Il ne bouge pas.
Encore trois pas...
Je l'attrape,
je l'étreins
contre mon coeur
comme un bébé prématuré
qui va se noyer.
Je l'enfile
pour le rassurer.
Pour me rassurer :
mon gilet imprimé léopard,
rose et noir
avec des yeux violets.

Vertige

Je me suis ensauvagie,
pieds nus dans la colline.
La marne qui s'écroule
laisse un sable doux.
Naïveté des sens
dans le soleil brûlant,
son odeur de vent.
Les genévriers griffent.
J'étale le sang
en peinture de guerre.
J'ai cinq ans.
Alors, comme un jeune chêne,
je fais des feuilles.
Douceur précaire de l'heure,
bonheur sans parure.
J'écrase le thym,
le suc de la roche
et me couche en étoile
pour voir tourner le ciel.

Le carré des eaux

Le carré des eaux
a quitté ses hardes d'hiver.
A enfilé sa robe d'avril,
ne te découvre pas d'un fil...
Mais, avant mai, laisse ton esprit dériver
vers les sources en amont.
On pressent un soupir,
On découvre le bruit de l'eau
qui sinue entre les galets.
S'évade en sautant quelques pierres.
Accepter le paradis,
ouvrir les bras aux dons de la terre,
ses couleurs ferment l'horizon.
La prêle se hisse,
chevelure de mariée sauvage
au premier réveil.
Bleu des fleurs nourrissonnes.
jaune des genêts, timides encore.
Naïveté.
Nouvelles amitiés, autres que celles des hommes.
Les yeux d'or du chien
reflètent le ruisseau.
Il boit,
dans le frais jusqu'au poitrail,
mouillé et satisfait.
Partout, des souvenirs amis.
Traces de chevreuils,
de sangliers,
en forme de cœur,
enfoncées dans le sable.
Confidences.
Empire secret.
Abîme vertigineux de l'imaginaire,
en toute noblesse et toute religion.
Le païen tout puissant
sommeille.

vendredi 27 juin 2014

jeudi 26 juin 2014

Do you remenber...?

« Oiso...
- Bido... 
- Oisooooo...
- Bidoooo.... »
Oiso est perchée sur son toit. Bido est dans la cabane. Elles jouent à « on est caché mais on sait où on est ».
Oiso à dix ans. Bido cinq.
Le jardin regorge de surprises. Il y a le cerisier, où on peut construire des cabanes de poupées, et qui, en plus, donne des cerises. Qui offre aussi aux gourmets sa gomme brune qui globule par endroits : on la récupère, on la met dans un bocal avec du miel et de l'eau, on laisse une semaine au soleil... Et on boit. Ça pétille, ça doit sûrement être infect mais c'est délicieux.
Il y a le poulailler où s'ébrouent innocemment deux poules, deux poules naines, un dindon, un lapin et une vingtaine de cochons d'Inde.
Les poules pondent des œufs rosés. Les poules naines des œufs tout blancs. Même le « jaune » à l'intérieur est blanc crémeux.
Le dindon joue la star : il est susceptible et veut toujours avoir le dernier mot.
« Glou... Glou... » fait le dindon.
« Glou... Glou... » répond Oiso.
« GLOU... GLOU... » rétorque le dindon.
« GLOU... GLOU... » surenchérit Oiso.
«  GLOOUU... GLOOUUUU... » s'étrangle le dindon, qui passe par toutes les couleurs de l'arc en ciel. Rouge, violet, bleu, bleu-vert.
Oiso croit toujours qu'il va éclater, mais non.
Le pauvre est quand même passé à la casserole. On lui a coupé le la tête, un après-midi. Oiso l'a vu à travers les fentes des volets de la chambre où elle était censée faire la sieste.
Le lendemain, pourtant appétissant et rôti, personne n'en a mangé.
C'est dur de digérer un artiste.

« Oiso... T'es où ? Oisoooo... ?
- Juste là, au dessus !
- On va jouer au « chien qu'est blessé ?
- Ben si tu veux, je vais chercher les bandes...
- Tu prends aussi les piqûres ?
- Ouais, et les comprimés pour la récompense... »
« Le chien qu'est blessé » consiste à immobiliser Poucet, le berger d'Oiso, à lui expliquer qu'il est TRES malade, et à lui bander extrêmement serré la cuisse et la patte arrière.
Après, Poucet boîte. Elles n'ont jamais su si c'était pour leur faire plaisir ou à cause du bandage.

Le troupeau de cochons d'Inde a suivi deux courbes : la première, nettement exponentielle (une portée tous les trois mois), la seconde, franchement dégressive. (Ils finiront par s'éteindre à force de consanguinité). En attendant, dans leur phase d'opulence, ça grouille et c'est super pratique : on peut apporter à l'école, dans une cage, une maman enceinte, la laisser le jeudi, et le vendredi, y a trois bébés en plus.
Les cochons d'Inde, c'est aussi ce qui a permis à Bido de ne pas crever de faim. (N'allez pas croire qu'elle les mangeait, NON... Mais petite, elle VOULAIT RIEN avaler).
Alors, on lui mettait à côté de son assiette une bestiole et un peigne... et pendant qu'elle coiffait le mammifère, ni vu ni connu, on enfournait les cuillerées.

« Bido, viens vite.... Bido, viens voir ! »
Elles lâchent le chien et se précipitent vers le poulailler.
L'ATTRACTION.
Y a encore le lapin qui « fait des enfants » à une poule.
Vrai de vrai, juré, craché.
Bido comprend rien mais se marre, Oiso glousse. Elle espère secrètement voir, un jour, un poussin poilu avec de grandes oreilles sortir d'un œuf...
Pour le coup, elles sont plutôt complices, pourtant Oiso n'a pas toujours été tendre avec Bido.
Quand sa sœur avait trois ans, elle lui faisait manger les crottes de souris.
« C'est quoi ?
- C'est des bonbons.
- Pourquoi ils sont par terre ?
- Parce que c'est comme les œufs laissés par les cloches de Pâques.
- Je peux goûter ?
- Ben ouais...
- T'en veux pas ?
- Je te les laisse, tu es la petite ! »

Après, il y a eu les limaces. D'abord une minuscule, un bébé limace. Avalée, même topo, même histoire.
Encouragée par l'expérience, Oiso en a présenté une GROSSE à sa frangine, accompagnée de moult « Huuum...Huuum... ! » (Pauvre limace...)
Là, ça a coincé lors de la mastication.
De la bave qui moussait, bullait et sortait de partout.
La môme avec la bouche ouverte, béante comme la gueule d'un crocodile qu'on a coincée avec un bâton.
Maman est intervenue, n'a pas tout saisi (heureusement), mais a flanqué une ratatouille à Oiso : « On ne peut pas te faire confiance ! »
Ensuite, y a eu le portique.
Oiso hissait sa sœur sur la barre du milieu, l'accrochait avec des cordes et lui disait :
« T'es une guerrière, une vraie sauvage, t'es prisonnière, tu DOIS te débrouiller pour descendre ! »
Bido hurlait juste.
Maman rappliquait et râlait : « On ne peut pas te faire confiance ! »

Le couronnement, ça a été « le Cirque du Soleil ».
Pendant le spectacle, il y avait un équilibriste qui montait sur une échelle posée contre RIEN.
Une passerelle magique.
Le lendemain, dans le jardin, Oiso sort la grosse échelle de Grand-Père, essaye de l'enfoncer dans la pelouse, n'y réussit pas, mais dit à Bido :
« Mets toi devant et REGARDE ! »
La petite obtempère, et, du haut de ses cinq ans, ADMIRE SA GRANDE SOEUR.
Laquelle grimpe sur l'échelle.
Premier barreau : ça tient.
Deuxième barreau : ça tient.
Troisième barreau : ça tangue.
Quatrième barreau : ça valse.
Cinquième barreau : ça tombe sur la tête de la spectatrice qui espérait le miracle.
L'échelle avait des crochets de charpentier : le massacre.
Le crâne fendu, et du sang, du sang, du sang...
Oiso repose l'échelle ( elle la cachera plus tard), appelle les parents, berce sa sœur en lui murmurant à l'oreille :
« C'est la balançoire qui t'a cognée.... c'est la balançoire qui t'a cognée... je me balançais, tu es passée devant et t'as pris la balançoire... »
Pompiers, urgences, radios, points de suture. Un jour d'observation.
Oiso était paralysée par la peur et le remord.
(A dix ans, quand même, on se doute que trente-cinq kilos de gamine plus une échelle, c'est pas tout à fait pareil qu'une balançoire).
Elle se renseigne en douce sur « les examens » « le suivi médical ».
Elle jure au ciel et à sa sœur qu'elle lui lui prêtera, lui DONNERA, tous ses jouets.
C'est la tête de l'homme invisible qui est revenue, l'hôpital avait réparé le trou et enturbanné de blanc.
La vie continuait.
Vingt ans après, au cours d'une rigolade de souvenirs d'enfance, Oiso demande à Bido :
« Tu te rappelles, quand je t'ai fait tomber l'échelle sur la tronche quand t'avais cinq ans ?
- Ah, ouais, je me rappelle...
... mais c'était pas une échelle, c'était la balançoire ! »
Bénies soient les petites sœurs.



Ps : Bido n'a pas gardé de séquelles...
Elle est maintenant une auteure-illustratrice reconnue de livres pour enfants.
Si vous voulez aller voir sur internet, elle s'appelle Claire Cantais.





mercredi 25 juin 2014

Chançon de mariatge


Voici une chanson qui provient de l'enquête " Fortoul ".
Sur une des pages est portée la date du 12 janvier 1852.
Le collecteur ajoute que " cette chanson  a été composée, par Pierre Ferrier, de " La  Tuillièrère", hameau de Saléon, à l'occasion de quelques mariages qui devaient se faire dans le hameau."

Il relate sur d'autres feuillets  quelques contes et historiettes, mentionne des usages relatifs au mariage.
"Jeux de la veillée à Saléon : on fait deux rouleaux de chanvre, qu'on enveloppe de papier, après on les dresse sur une chaise, après quoi on y met le feu. Si, en brûlant, les rouleaux tombent l'un sur l'autre, cela pronostique un mariage."

Et, si, par miracle, ce pronostic s'est avéré exact.....

Se fai plusor mariatges
Din aqueste paìs
Es un badinatge
Que chascun ne ris.

Aiçò es çò que ne chau
per garnir l'espitau
D'una pòrta a l'autre
Donnatz nos un pauc.

Filhas de la toriera
Vos chacrinetz pas
Quand vòstre mariatge
Ne'n passaria pas.

Aqueu de Cabassum
Benlèu passarè pron
Ai auvit de novèlas
Que ditz pasde non.

S'enamèm vèrs Margoton
D'estiani si n'a pas passat
Aquò n'es l'encausa
L'argent a manqua.

Quand venrè lo bon temps
De teules pastrarem
Alora porm dire
Que se mariàm.

S'enamèm vérs la cadeta
De l'Abelhon
Que nes tan braveta
S'apela Suson.

A pas volgut dire de oui
Ambe lo Joan d'Enric
Ditz que ne vòl un autre
Que siaja plus polit.

La plus estonaa
Es aquelade Gargàs
Dison qu'es tròp paura
Per aqueu bèu mas.

A desenemies
Dedins lo pais
Dison qu'es bergiera
Garda las brebis.



Chanson de mariage.

Plusieurs mariages se font
Dans ce pays
C'est un badinage
Dont tout le monde vit.

Ceci est ce qu'il faut
Pour remplir l'hôpital
D'une porte à l'autre
Soyez généreux.

C'est le bon Dieu
Fils de la Tourrière
Ne vous chagrinez pas
Quand bien même vôtre mariage
Ne se ferait pas.

Celui de Cabassun
Peut-être se fera-t-il
J'ai entendu dire
Qu'il ne disait pas non.

Allons chez Margoton
Si Destiani n'est pas v'nue avant
En voici la cause
L'argent m'a manqué.

Quand le bon moment sera venu
Nous pétrirons des tuiles
Alors nous pourrons dire
Qu'ils se marieront.

Allons chez la cadette
De l'abeilloun
Qui est si gentillr
On l'apelle Suzon.

Elle n'a pas voulu dire oui
Au Jean d"Henri
Elle dit en vouloir un autre
Qui soit plus joli.

La plus morose
Est celle de Gargas
On dit qu'elle est trop pauvre
Pour ce beau mas.

Elle a des ennemis
Dans le pays
Ils disent qu'elle est bergère
Elle garde les brebis.


Source : " De vive voix
                Les chansons d'ici
                les Pays du Buëch "
Conseil général des Hautes-Alpes.
Collection dirigée par Olivier Richaume.





mardi 24 juin 2014

Bateliers et radeliers de la Durance


Notre temps : radeliers sur la Durance

«Une chèvre ardente à la course, farouche, vorace, qui ronge en passant cades et argousiers.»
Frédéric mistral

C'est la Durance. 
Forme grecque Drouentias, forme latine Durentia, qui se retrouve dans le nom de beaucoup de rivières alpestres et signifierait « courir, couler avec force ».
LA grande voie de communication entre l'Italie du Nord et la Gaule méridionale. Malgré l'impétuosité de son courant et le danger. Car, sur une lon­gueur de 304 km, la différence d'altitude est de 1847 m, ce qui fait de cette rivière une des plus rapides de France.
( Avant les grands travaux récents des barrages, son débit pouvait atteindre 6.000 m3/seconde en période de crue, alors que l'étiage, débit le plus faible, n'était que de 50 m3.)

En 1664, César de Nostre Dame, le fils de Nostradamus, résumait dans son Histoire de Provence :
" La Durance est naturellement brusque, violente, limoneuse, furieuse, inconstante, inapprivoisable et méchante […] elle ne se laisse manier à sorte de bateaux quelconques […] hors de quelques radeaux qui ne craignent les tempêtes ".
L’étude des archives nous apprend que les crues étaient récurrentes au XIVè siècle, s’intensifient au milieu du XVIè et perdurent jusque vers 1850. 188 crues de plus de 3m au pont de Mirabeau entre 1832 et 1890 dont 7 supérieures à 7m.
Celle de 1843 entraina presque tous les ponts de la rivière entre les Mées et Cavaillon. Les cartes de l’époque révèlent une rivière bien plus large qu’aujourd’hui avec de multiples chenaux entre des iscles

Pourtant, depuis l'antiquité, la Durance est utilisée pour la navigation, au moins depuis Sisteron jusqu'à son confluent avec le Rhône, près d'Avignon, et le demeure jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Les « bateliers » ou « nautes », regroupés en corporations, transportent les passagers et le fret.
Les « radeliers » descendent le bois depuis les Alpes.
Les « naviculaires » relient l'extrémité de la Durance près d'Avignon aux ports méditerranéens via le Rhône.
Les « utriculaires » passent les bras peu profonds ou livraient le fret lourd sur des radeaux bardés d'outres de peaux de chèvres gonflées afin d'améliorer leur flottabilité.
Les « haleurs », aidés parfois de bêtes de somme, assurent la remontée du courant sauf les mois chauds quand la brise du sud gonfle les voiles.
Les « passeurs » assurent la traversée du cours d'eau en bac.
Les « receveurs » lèvent des taxes sur tout ce qui transite sur la rivière. (Les comtes de Provence avaient concédé ce droit aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem au Xllème siècle.)

Le « Dictionnaire Historique et Topographique de la Durance », (E Garcin, 1835), nous dit qu'aux temps romains :
« Les bateliers remontaient la Durance jusqu'à Cavaillon. Cette ville avait un port assez vaste qui fournissait aux Cavares, aux Voconces et aux Tricastains. Cette ville avait aussi un collège pour les bateliers, où l'on apprenait à naviguer sur des outres. Ces sortes de bateliers étaient appelés utriculaires. »

Au moyen âge, les « nautes « deviennent des « bateliers », mot dérivé de l’occitan batèl ou batèu (prononcer : batéou, le bateau). Barques et radeaux remontent des marchandises variées, mais surtout du sel depuis le litto­ral, matière précieuse indispensable aux éleveurs de la montagne (nourriture des brebis et conservation des viandes). Briançon est alors une grande ville d'échanges, et les embarcations remontent jusqu'à Savines (actuel barrage de Serre-Ponçon). De là, le sel part à dos de mulets vers les hautes vallées et jusqu'en Piémont. Au retour, les embarcations redescendent du minerai (fer, plomb, cuivre), du marbre et des pierres pour les monuments.
Mais surtout la Durance est "flottable" par radeaux et permet d'acheminer à moindres frais les bois et poutres utilisées pour la construction des bateaux, des ponts et des charpentes. (Six hommes montaient en une journée un radeau en liant entre 12 et 24 troncs de sapins ou de mélèzes longs de 12 à 14 m. Des traverses rigidifiaient l'ensemble. Des rames étaient fixées aux deux extrémités. Des perches aidaient aux départs et aux accostages des quatre jours de navigation assez risqués.)
La descente se fait au fil de l’eau et la remontée par halage humain. La navigation fluviale se limite à descendre et remonter la rivière. (Après la Renaissance, avec la création de canaux, il sera possible de passer d’un fleuve à un autre et de faire réaliser de véritables voyages aux marchandises.)

Les hardis passagers et le fret insensible à l'eau sont les bienvenus afin de conforter le profit des radeliers, les taxes versées au profit des religieux ( voir plus haut) majorant jusqu'à 15 fois le prix de revente du bois…
Leur trajet de retour s'effectue à pied, sur l'antique voie domicienne à partir du village de Lurs. (Elle enjambe la Durance à Sisteron).
Le flottage « à bûches perdues » apparaît à partir du XVlème siècle. Des grumes, balancées dans le courant des plus grands affluents comme la Bléone, l'Ubaye et le Buëch, sont interceptées à la confluence avec la Durance afin d'y être assemblées en radeaux pour achever leur périple. 

Des sanctuaires balisent les dangers importants :
« Aux ports, il y avait des oratoires où les passagers se recommandaient à quelque saint avant de s'embarquer. Au bac de la Roque D'Anthéron, à la chapelle, on obtenait la protection de Sant Safourian (Saint Symphorien), après lui avoir rappelé que :
Si la Durenço pet, sian foutu...
Si la Durance pète, on est foutu... » 

Par le biais des échanges et des voyages, le culte de Saint Nicolas se propage à tous les métiers liés à l'eau. (Lors d'une tempête, Saint Nicolas serait apparu à un marin en détresse, aurait pris le gouvernail et ramené l'équipage à bon port.)
Charpentiers, bateliers, radeliers, marchands célèbrent la saint Nicolas le six décembre.
C'est l'occasion d'une cérémonie religieuse (procession, messe, bénédiction des bateaux et recueillement sur les tombes des victimes de la navigation), accompagnée d'un rituel corporatif : l'élection d'un patron de Reinage  (Roi de la marine pour l'année nouvelle).
La fête s'achève sur un grand banquet où tous les excès sont permis.

« Ah ! Pèr sant Micoulau, quand s'encavato
Lou Reinage, au partague de la gleiso,
Cresès que n'èro un flamme de triounfle
Per aquéu quèro Rèi de la marino ?,

A la saint Nicolas, lorsqu'à l'encan
on mettait le Reinage, au porche de l'église,
n'en était-ce pas un et flambant, de triomphe
pour celui qui était Le Roi de la marine. »
Frédéric Mistral

Cependant, l'importance de la voie navigable que constitue la Durance ne survit pas à l'implantation du chemin de fer, à la fin du XIXe siècle. En 1896, on ne compte plus à Sisteron que 11 "radeliers", et la dernière embarcation serait descendue en 1908... "La révolution du machinisme marquait la fin d'un mode de vie et d'usages qui n'avaient pas changé et pour ainsi dire pas évolué depuis l'époque romane" (Guy Barruol).
Au cours du 20e siècle, la fugueuse Durance est domptée par de nombreux barrages...
« ...mais où est-elle , que lui ont -t-ils fait? ... "trop domestiquée". » dit Jean Giono en 1968 , qui regrette son lit et ses flots majestueux.

Sources :
Naviguer sur la Durance
Navigation sur la Durance, amicale des lycées
Notre temps
Journal «  la Marseillaise »
Toi Durance (Henri Julien, Jean-Marie Gibelin)
Mes origines, Diogène éditions libres, Frédéric Mistral
Les personnages mythiques
Traverser la Durance à Mirabeau (Randomania plus)
Dictionnaire Historique et topographique de la Durance ( 1835)


Et pour les bateliers du Rhône...


Extrait de « Lou Pouèmo dou Rose » « le Poème du Rhône »,
de Frédéric Mistral.

La prière du  « Notre Père », revisitée par Patron Apian, batelier de son état.

Cant 1, Patroun Apian

« E dre sus lou poutin, la testo nuso,
Adounc Patroun Apian em' un grand signe
De crous, à-z-auto-voues- q'ausisson tousti
Lou papèu à la mau, - eu entamo
La piègo dou matin : O nostre paire
Que siés au cèu, toum noum se santifique !
Vèn coume acò. Lis ome fan l'escouto
D'ageinouioun o ben la testo clino.
Lou sagarés blanquinous lis emborgno,
Atapant li mountagno e li broutieros
Que tout-de-long accoumpagnon lou flume ;
E podon ié coumta sus l'embourgnado
Jusqu'à Givors et belèm jusquo à Vieno.
Eù countuniant : Toun règne nous avèngue !
Dis, l'adavau ta volonta se fague
Coume adamount ! Lou pan quoutidian nostre
Dis, vuei parge-nous-lou ! De nòsti dèute
Fai-nous la remission, coume nous-autri ;
En quau nous as devent, dis, fasèn quite...
- Hoù ! Toco-biòu ! Pièi se coupant bramavo
Capounas de pas Diéu ! Dorme, fulubio !
A queli chevalas, amount, li veses
Que dintre si cabestre s'estrangulan ?...
Un batafiéu que vous cenglisse touti !
E reprenent : De tentacioun nous gardes !
E tiro-nous dou maleu ! Ansin siegue

Chant 1, Patron Apian

« Et droit sur le tillac, la tête nue
patron Apian, avec un grand signe de croix,
et à haute voix- que tous entendent-
le chapeau à la main : O notre père
Qui es au ciel, que ton nom se sanctifie
dit-il. Les hommes se sont tus
agenouillés ou inclinant la tête.
L'épais brouillard blanchâtre les aveugle,
dérobant les montagnes et les brotteaux
qui tout le long accompagnent le fleuve
et ils en sont sûrs, d'aller à l'aveuglette
jusqu'à Givors, peut-être jusqu'à Vienne.
Mais lui, continuant : Ton règne nous advienne !
Dit-il, et qu'en aval ta volonté se fasse
comme en amont!  Notre pain quotidien
dit-il, donne le nous ce jourd'hui ! De nos dettes
fais-nous la rémission, dit-il, comme nous autres
les remettons ceux qui nous redoivent...
Parfois s'interrompant : «  Toqueboeuf ! Braillait-il
grand capon de pas Dieu, tu dors, eh ! Fainéant ?
Ces malheureux chevaux ; en amont, les vois-tu
qui s' étranglent dans leurs chevêtres ?...
Une garcette qui vous cinglât tous ! »
Et reprenant : De tentation garde-nous !
Et tire-nous du mal-être ! Ainsi-soit-il !

Frédéric Mistral



Laragne Touristique








Laragne touristique


 I) Le phare

Dans un précédent article sur le port, j’ai omis de parler du phare, ce dont certains lecteurs m’ont fait reproche en toute gentillesse. Cet oubli fut volontaire, car il faut dissocier l’histoire du phare de celle du port.
                Lorsqu’il est question du phare, tout laragnais « de souche » sait bien sûr ce dont il s’agit mais nos hôtes de passages ou nos concitoyens de fraîche date pensent sans doute qu’il s’agit de l’assemblage hideux de poutrelles peinturlurées de gris qui soutiennent une lanterne électrique dont les clignotements verdâtres démarrent dès la tombée de la nuit.
                Eh bien ! En dépit du fléchage stupide qui les conforte dans leur ignorance (et hérisse la plupart d’entre nous)  il n’en est rien ! Le seul, l’unique, le véritable phare de Laragne se dresse en effet à quelques mètres de là, et la jetée l’englobe en partie.

Historique :

             Déjà, en 1120, le phare de Laragne (Aracnaeum) est mentionné dans des documents ecclésiastiques : l’évêque d’Embrun procède à la bénédiction de l’édifice lors de sa restauration. On peut donc raisonnablement penser qu’il y avait là une construction antérieure datant probablement de l’époque augustéenne, mais rien ne venait étayer ces affirmations jusqu’à une époque récente.
             Or, en 1971, les travaux entrepris pour l ‘assainissement de la plage située au sud-est de la jetée, mettent à jour un alignement de pieux (datés du néolithique moyen) recoupé par un ouvrage de maçonnerie, en bel appareillage, qui se termine sous l’actuelle jetée.
              Les fouilles entreprises en 1972 et 1973 avec des moyens importants, permettent de dégager les soubassements d’un temple antique qui servit d’assise au phare, le rivage se situant à cette époque à plus de deux cent mètres de celui que nous foulons actuellement.
              Le musée de Gap abrite d’ailleurs le très belle mosaïque d’Arachnea (dont le culte venu d’Orient est connu sur l’ensemble du pourtour méditerranéen) mise à jour à cette occasion, ainsi qu’une belle collection de poteries (remarquer surtout les vases de facture ibérique et l’importante collection d’ex-voto trouvés in-situ).
               Cette découverte devrait d’ailleurs clore les discussions sur l’origine du nom de « Laragne » : divers auteurs le faisaient  dériver d’une auberge mythique qui se serait tenue sur les bords de la route. Il apparaît que ce nom vient de la plus haute Antiquité : Arachnea est l’hellénisation d’une déesse du panthéon perse que les contemporains d’Alexandre assimilèrent aux Parques, ces fileuses qui tissaient la destinée des hommes.
             Au cours des siècles, l’invasion progressive de la mer protégea la construction des débordements de la christianisation. Y avait-il déjà à l’époque de ce temple une activité maritime ? Rien ne permet de l’affirmer, même si les fouilles entreprises par le préfet Ladoucette à la Bâtie-Montsaléon mirent à jour un fragment de stèle votive, très abîmé, dont l’inscription est interprétée comme un remerciement à Neptune « par les nautes du port ». La suite de la dédicace fait défaut, mais le port le plus proche de la Bâtie-Montsaléon ne saurait être que celui de Laragne.
            En 1791, les cloches des églises de Mison et de Laragne (que la Convention veut fondre pour en faire des canons)  sont déposées et cachées dans la maçonnerie que les travaux de construction de la jetée royale ont simplement « englobée ».
                En remerciement, le clergé finance l’érection d’un phare véritable  (voir plans et délibérations au musée local) « en pierre de Guillestre et marbre du Queyrois »–sic- mais le projet n’aboutit pas du fait de fortes dissensions entre les personnalités locales. Il faut attendre 1976 pour qu’enfin une construction signale le port au moyen d’un fanal électrique.

Pour découvrir le phare : s’avancer sur la jetée jusqu’à l’endroit où débute l’enrochement des blocs brise-lames. On détectera alors une rupture tant dans la facture que dans l’alignement de la maçonnerie : il se produit un infléchissement de la jetée vers l’intérieur : c’est l’emplacement exact du véritable phare de Laragne.
              Une gravure de 1712 (musée local) montre d’ailleurs qu’à cette époque, une excroissance cylindro-conique d’environ deux mètres de haut ne laissait aucun doute sur sa nature. Cette excroissance disparut par la suite, lors des travaux de réfection de l’époque napoléonienne.
Pour en savoir plus :

« Le phare de Laragne » Col.Dusabre. Ed « Prestiges de France » 1976 (épuisé)
« Pittoresques Alpes du Sud » Ed. Duchemin 1916
« Fouilles du phare de Laragne » Marcel Chabrette. Soc.d’Etude des Hautes-Alpes. 1978


Maiakovski no Agitprop

"Il y a quelque chose de subversif à écrire pour les enfants."

lundi 23 juin 2014

On fait la course ?


Un chauffeur de corbillard, c'est un pilote décès.

Vive le rugby !


le Massif Central, c'est le gros du milieu.

Au théâtre...


... on regarde la farce et on re-farde la garce...

Exercices matinaux...


...pour les mômes, conseillés avant les représentations théâtrales primairiennes, collégiennes, MJC-ennes... qui fleurissent en notre belle saison.

Pour leurs parents, pour garder des zygomatiques alertes capables de draguer sans faille/ à l'apéro/à la piscine/sur la Costa brava/ à Tombouctou. (effet anti-rides garanti.)

A dire de plus en plus vite :

" Un opossum imposable pétitionnait obstinément pour l'optimiste option de l'obstruction obsolète du processus placebo."
( En gros, grâce aux vacances qui approchent, faire l'autruche devant les taxes en tout genre qui s'accumulent étonnement - été-nemment ? ça fait du bien ! )

A dire encore plus vite :

" Les péripéties de la péripatéticienne peroxydée perpétuent pernicieusement la périodicité des permissionnaires."
( Pour les moins de douze ans, une péripatéticienne - ou péripaPEticienne- , c'est une nana qui vend des bouquins.)

Bon courage !!!

Vive les vacances !


Un ex-terne, c'est un ancien élève qui a repris des couleurs.

mardi 17 juin 2014

Over the rainbow

Fragments de bitume morcelés
devant mes pieds.
Fin de marché.
Une écaille de poisson
verte et bleue
saute sur mes sandales,
s'accroche désespérément
à mes ongles
que ce matin
j'ai peints en violet.
Ça fait quoi ?
Ça fait le début d'un arc-en-ciel
qu'il faut continuer.
Vert, bleu, violet... rouge ?
Rouge, la cerise
en équilibre entre les lèvres
gourmandes,
qui n'osent croquer
ce révolutionnaire baiser.
Orange, le quartier de fruit
qu'on éclate,
le jus qui coule
en caresses longues
jusqu'à la gorge.
Jaune, l'obèse indolent
et peinard
qui nous divulgue
sa divine
lumière
même quand on n'en veut plus
même quand on n'en peut plus.
Après...
Blanc.
Blanc, ça n'existe pas.
Le blanc est une absence de couleur.
C'est bien une absence.
« Madame X est aux abonnés absents. »
Excusée.
Elle est partie chercher le noir
toute seule.

Bonds d' yeux


Plaignez le pauvre moinillon
Qui fait la manche à Chatillon
Il attend son absolution
Il n'a plus Dieu dans son bouillon.

dimanche 15 juin 2014

Jack et Robert


Une nouvelle éditée pour répondre à un commentaire anonyme sur « Robert et Jack »... Laquelle nouvelle il est conseillé de lire AVANT.



Je ne saurai jamais combien Jack compte de printemps. Vingt, trente, l'éternité ? Moi qui suis un pigeon, j'ai du mal à évaluer. Mais il est grand et costaud. Et comme il a sur la tête une forêt argentée (un vrai nid douillet), j'en conclus qu'il devait déjà savoir marcher quand l'arrière grand-mère de ma grand-mère testait ses ailes pour la première fois.
Son ventre est bizarre : il change de couleur tous les jours : rouge, bleu, vert, noir. Ça dépend du temps qu'il fait et si c'est la saison des amours... ou pas.
Jack est un Deux Bras de la famille des Humanoïdes, communément appelés « Humains ».

« Ne t'approche pas des Humains. Sois prudent et réservé. (A moins d'habiter à Venise, là, tu seras photographié et tu deviendras célèbre). »
« Les Humains vivent dans des nids clos, mais, à la belle saison, ils envahissent nos rues, nos trottoirs et nos garde-mangers. »
« Nous leur avons sauvé la vie bien des fois. Honore la légende de Vaillant (matricule757.15), de GI Joe, de Mary, de Princess (qui a parcouru huit cents kilomètres au dessus de la mer pour livrer son message.) »
« A l'époque, puisqu'ils dépendaient de NOUS, ils nous choyaient, nous décernaient des médailles, nous élevaient même des monuments. »
« Mais maintenant, ils nous tirent dessus à la carabine. (Ça s'appelle : le tir aux pigeons). »
« Méfie-toi de leurs choses roulantes, elles ne nous évitent pas, elles n'ont qu'une envie : nous écraser. »
« Garde toi également de L'ENNEMI PUBLIC NUMERO UN. (LEPN un). Ils en élèvent... »
« Enfin, si tu vois par terre un appétissant grain rouge, NE LE MANGE PAS. C'est une de leurs ruses mortelles. Souviens toi de la lente agonie de ta grand-tante. »
(Tradition orale pigeonnesque, dite « de la couvée ».)

Mais Jack n'est pas un Humain comme les autres. Jack en pince pour moi.
Jack ne m'attire pas avec du blé empoisonné. Il veut juste élargir mon régime alimentaire.

L'autre jour, je grappillais devant chez moi ( chez lui?) mon ordinaire quotidien.
Il s'est assis sur notre banc, sa pitance à la main.
Il s'est approché.
J'ai reculé. (cf tradition orale pigeonnesque, Article Un).
Il a posé du riz devant le réverbère.
C'était du riz cuit, pas génial, mais, pour ne pas le vexer, j'en ai picoré un peu.
Il m'a regardé.
D'habitude, on NE SOUTIENT PAS le regard d'un humain. Il y a toujours au fond quelque jeu débile en gestation, ou une image de nous avec des petits pois.
Mais là, j'ai VRAIMENT compris que Jack se demandait SEULEMENT ce que j'aimerais manger.
Il m'a lancé un machin bizarre, orange et blanc, qui sentait le poisson.
Goûteux.
« Surimi », qu'il m'a dit.
Je l'ai avalé avec frénésie. Ça me changeait de ma bouillie de poussière-aux-miettes.
Un deuxième morceau : gobé.
Un troisième : pareillement. C'est super bon, en fait, « le surimi ».
Pourtant, moi, je ne suis pas une mouette, même si j'en fréquente de super-sympas. (D'ailleurs, il ne faut pas que j'oublie de leur dire, à  l'occasion,  que j'ai goûté un de leurs trucs...)
En attendant, je bats des ailes, je me rengorge. J'essaie de parler le pigeon-accessible-aux-humains.
Ça me plairait bien, d'avoir un garde-manger fixe.
Et en plus, bientôt, il faudra que je fasse mon nid.

Pourquoi Jack est-il si gentil avec moi ?
Essaierait-il de M'APPRIVOISER ?
(Apprivoiser, c'est un mot que j'ai appris « de la couvée ». Ça veut dire : dépendre d'un humain pour les graines, certes à volonté. Mais ça signifie aussi, à plus ou moins long terme, être enfermé.)
Je ne suis pas enfermable. Je ne suis pas un pigeon de pigeonnier.
C'est pourquoi je fais mon possible pour que Jack comprenne que je l'aime bien, que j'apprécie sa bouffe étrange, mais que c'est important que je garde mes distances.
Le problème, c'est que j'adorerais m'installer ici.
En centre ville, c'est surpeuplé. Le clocher, les vieilles ruelles, l'abord des fontaines : trop connu et hors de prix. Faut jouer des griffes pour les avoir.
Moi, j'ai besoin de calme. C'est pour ça que je suis monté à la limite du village, entre maisons et collines.

Ça y est, Jack sort en « tenue-de-saison-des-amours » : un peu timide, le ventre noir, le nid sur la tête bien lustré et une odeur infernale qui le précède et le suit. Ça doit avoir un rapport avec les bruits aquatiques que j'ai entendus tout-à-l'heure. Car les humains ne se lavent pas comme nous, discrètement, dans une flaque d'eau froide. Ils « prennent une douche ». Et ils chantent dessous. (C'est d'ailleurs seulement là qu'ils chantent.)
Donc, voilà mon pourvoyeur préféré qui s'en va roucouler en ville.
Merde.
Qu'est ce que je vais faire de L'ENNEMI PUBLIC NUMERO UN (LEPN un) ?
« LEPN un » est noir et blanc, monstrueux, tout-en-griffes et tout-en-dents. C'est son chat. Qui attire la presque totalité des mistigris du voisinage. Les mâles, pour se battre, les femelles, pour...
Vous imaginez ?  Un pigeon tout seul, de surcroît immigré, face à une bande de félins ? Non... vous ne pouvez pas. (Sauf si vous avez déjà eu un tigre à vos trousses.)
Ils vont me traquer, m'acculer, vouloir ma tête.
Pourtant, ils ont des croquettes.
(L'autre soir, j'ai vu Jack verser les dites boulettes vers son nid clos pour y attirer mon cauchemar. Après, il a laissé un chemin de surimi vers mon réverbère.)
C'était plutôt sympa, ça partait d'une bonne intention. Mais, à votre avis, qu'est-ce qu'ils ont englouti en premier, ces sauvages ?
MON SURIMI.
Je n'ai plus qu'à attendre, perché très haut et le ventre vide.

Onze heures : le retour. Avec sa gazelle préférée. (Gazelle, c'est le nom que les humains donnent souvent à leurs pigeonnes, moi, je trouve ça joli.)
Cette gazelle là, je la chéris.
Demain matin, je vais avoir droit à des petits bouts exquis, divers et colorés.
En plus, elle essaye de parler pigeon.
« Roûûûû.... Roûûûû.... Roûûûû » qu'elle fait.
Elle n'a pas vraiment l'accent, mais ça rosit ses joues et fait gonfler son soutien-gorge. J'apprécie l'ambiance,  (je me mets à la place de Jack).
Moi aussi, j'ai besoin qu'on me fasse la cour. Moi aussi, j'aime ma moitié de pomme...
C'est là que j'ai eu le déclic : malgré « LEPN un », nous ferons notre nid ici.
Près de la cheminée.
Là, nos œufs seront aimés.
J'espère que mon époux sera d'accord...
Car, je crois que vous l'avez deviné, je ne suis pas un pigeon, je suis une pigeonne.
Et mon petit nom, ce n'est pas Robert, c'est Julia.





Ps : Si vous voulez des renseignements sur les pigeons-soldats, vous pouvez aller sur :
« Pigeons voyageurs de l'armée française. Wikipedia »
Mais surtour sur « Les pigeons pendant la guerre de 39-45-cousin-free »
Méconnu, édifiant et bouleversant.
Maintenant, quand vous traiterez quelqu'un de « pigeon », ce sera un compliment.




Hermaphrodite


Je rentre dans le soleil
comme dans le ventre d'une femme
rouge et chaud,
vibrant des caresses exquises
d'un jet d'eau
au dessus d'une haie.
La lumière se fragmente
en ondes délicieuses.
Je ferme les yeux...
Et me laisse pénétrer
à mon tour.

Лидер негира...

...када се она нађе на западу.

La boss nie...
... quand elle se retrouve à l'ouest.

samedi 14 juin 2014

Les extraordinaires aventures sous-marines de Faustiminette, la reine des chats.

Un conte imaginé pour Faustine, pour son anniversaire...


Il était une fois la très jeune reine des chats, Faustiminette, qui gouvernait avec beaucoup de bonté et de sagesse un petit royaume au bord de la mer.
Elle menait une vie heureuse mais avait un désir secret : celui de rencontrer la Petite Sirène...

Un jour d'été, elle se décide.
Dans sa garde-robe, elle choisit son plus bel habit-de-camouflage : le numéro dix, le rose avec une queue de poisson.
Elle a évidemment un peu de mal à l'enfiler, à cause de sa queue à elle, longue et fournie, qu'elle ne sait pas où placer : le long d'une de ses pattes, ça la gêne. Droite dans son dos, ça la chatouille. Finalement, c'est en l'enroulant qu'elle arrive à la cacher.
Elle prend le parti de garder sa couronne. Elle opte pour la numéro six, c'est la mieux assortie à sa tenue.
Ainsi équipée, elle se rend sur la plage... Respire un grand coup... Et plonge. (Qui a dit que les chats n'aiment pas l'eau ? )
L'onde est claire, mais tout de même un peu froide. Alors, de toutes ses forces, elle remue son petit derrière pour se réchauffer et aller plus vite.
Les poissons au passage ont l'air étonné.
« Elle est toc-toc, celle là ! », semblent-ils dire. (Ils n'osent pas l'exprimer ouvertement, mais Faustiminette voit bien à leurs ouïes narquoises qu'ils le pensent très fort).
Elle nage longtemps, longtemps...
Enfin, sur un fond rocheux orné d'algues gigantesques et fleuries (ça existe dans la mer des contes), elle aperçoit le château.
Il est bâti en coquillages de toutes les tailles et de toutes les couleurs. De gentilles méduses, (celles qui ne piquent pas), servent de rideaux aux fenêtres en se balançant mollement.
La porte est ouverte, Faustiminette entre.

A l'intérieur, tout est bleu et vert, avec de grandes portes ouvragées. Il n'y en a qu'une seule qui soit rose : ce doit être la bonne. Mais dessus, il y a une GRANDE pancarte où est écrit en GRANDES lettres :
« NE PAS ENTRER, JE SUIS TRISTE. »
« Pourquoi est-elle malheureuse ? » se demande Faustiminette.
« Et si on ne peut pas entrer, on ne peut pas la consoler ! »
« Et si on ne la console pas, elle sera de plus en plus malheureuse... »
La très jeune reine des chats a deux qualités : elle a un cœur d'or et elle adore désobéir quand c'est VRAIMENT nécessaire.
Pour le coup, c'est un cas de force majeure.

Elle pousse donc la porte rose et là, elle voit, sur un lit entièrement rose surmonté d'un baldaquin tout aussi rose, une jeune personne avec une queue de poisson... rose.
«  Tiens, comme la mienne ! », se réjouit- elle.
L'inconnue verse d'abondantes larmes d'eau douces. (Eh oui, quand les sirènes pleurent, c'est de l'eau douce qui s'échappe de leurs yeux. Si c'était de l'eau salée, ça se mélangerait à la mer et on ne pourrait pas voir qu'elles sont désespérées).
« J'espère que vous voudrez bien m'excuser, Mademoiselle, d'être entrée sans votre permission, mais ce qui est affiché sur votre porte m'a inquiétée....  »
Pas de réponse.
« Que puis-je faire pour vous aider ? »
Les sanglots redoublent.
« Que vous arrive-t-il ?
La petite Sirène renifle et explique :
«  Le jeune prince que j'aime, dans le Royaume d'en Haut, ne me répond plus. Les bulles d'amour que je lui envoie me reviennent toutes crevées...
- Toutes ?
- Toutes !
- Effectivement, c'est dramatique...
- Alors maintenant, je suis triste et surtout, JE M'ENNUIE.
- Vous vous ennuyez comment ?
- A MOURIR. Le château est un peu vide, vous savez, et je n'ai pas vraiment d'amies...
- Pour de vrai ?
- Malheureusement oui. Vous avez bien fait d'entrer, comme ça, j'ai eu un peu de conversation...
- Est-ce que ça vous ferait plaisir... si je pouvais rester un peu avec vous ?
- Vous feriez ça ?
- Oui... Je crois... En fait, je suis la reine des chats, mais pour quatre semaines, je suis en congé de mes fonctions. C'est mon premier vizir, un matou très expérimenté, qui s'occupe du royaume... »

Marché conclu : Faustiminette passera ses vacances sous la mer.
Elles deviennent vite très proches.
Elles restent des heures dans la chambre rose à discuter, elles se racontent tout.
Elles se font belles : la Petite Sirène fait essayer à son amie tous ses costumes d'écailles. Des plus simples, (pour tous les jours), aux plus magnifiques, (pour les grandes occasions).
Faustiminette est heureusement devenue très experte dans l'art de ranger sa queue.
Enfin, avec de grandes algues sombres (car j'ai oublié de vous dire que Faustiminette est entièrement noire), elles confectionnent un costume de chat. Adapté à la morphologie de la princesse de la mer, mais avec une longue queue qui flotte derrière et qui les amuse beaucoup.
Ainsi accoutrées, elles font la course dans le jardin féerique qui entoure le château : chat-sirène et sirène-chat.
Les poissons n'osent plus se moquer. Pris au jeu, ils se déguisent eux-aussi.
Il y a le poisson-chevalier dans son armure de coraux, redoutablement armé d' une lance provenant d'un navire englouti.
Il y a le poisson-hippie, coiffé d'une incroyable perruque d'herbes marines, qui joue de la guitare sur le dos de son pote l'hippocampe.
Même le narval prend des airs mélancoliques et inspirés pour ressembler à une licorne.

Ce fut un mois magique, qui passa beaucoup trop vite.
Un jour, il fallut se séparer : la reine des chats devait remonter sur son trône.
Les adieux sont des au-revoir : elles se promettent de se retrouver très vite.
Et puis, Faustiminette a au fond de son cœur un projet inavoué : elle veut découvrir pourquoi le jeune prince du Royaume d'en Haut ne répond plus à son amie.
De retour sur terre, elle commence son enquête.
Elle s'embusque sur la plage, se dissimule sous une barque, et là, elle comprend : comme c'est l'été, tous les garçons et les filles sautent dans les vagues. Ils ADORENT PAR DESSUS TOUT attraper les bulles-ballons qui s'élèvent parfois. Ils jouent avec, et, maladroitement, les crèvent.
Faustiminette leur chuchote à l'oreille le secret des bulles d'amour.

Depuis, si vous voyez un enfant tenter de saisir quelque chose d'invisible en l'air avec son épuisette, c'est qu'il récolte avec délicatesse des bulles d'amour pour aller les porter au prince du Royaume d'en Haut.

Car, entre nous, vous ne croyez pas que le pauvre prince a terriblement dû s'inquiéter, lui aussi, de ne plus recevoir de mots doux de son amoureuse ?



Joyeux anniversaire !!!