Première
expérience dite "sauvage"
Souvenirs…Souvenirs…
Pas
facile de "sauter le pas" et de prendre la plume. D’autant
que d’une randonnée à l’autre, ils se chevauchent. Si on peut
dire !
C’était
"en époque", alors que nous étions jeunes… Nous étions
trois amis et nous montions en club. L’un de nos instructeurs était
un passionné et pour lui, la finalité de cet apprentissage en
manège, c’était l’extérieur… C’est ainsi que nous avons
découvert la forêt de Sénart de nuit. Ou cette même forêt à 8h
du matin, sous la pluie… Mais pour Jacques MANCEL, la seule
expérience valable, c’était l’Habitarelle…
Internet
n’existait pas et nous avons cherché… dans le bottin. Et nous
avons écrit. Et nous avons reçu un programme en retour. Et après
moult hésitations, nous nous sommes décidés pour une randonnée de
cinq jours, en mai, sur le Mont Lozère. Il fallait tenter, sur une
période pas trop longue…
Nous
avions l'impression d’avoir signé pour l’aventure de
l’explorateur fou. Nous lisions en long et en large les
recommandations : pas plus de douze kilos de bagages. Un
chapeau. Un duvet. De la crème solaire… Et j’en oublie !
Padraig nous dit, sûr de lui : "Nous
serons au sud de la Loire : il va faire chaud".
Première erreur !
Camille,
habituée dans sa jeunesse aux employées de maison et au confort
d’une grande demeure, me dit : "il
faudrait que TU
téléphones pour savoir comment on fait sa toilette, par exemple".
Je m’exécute et là je tombe sur une charmante interlocutrice qui
m’explique que : "pas
de problème, on bivouaque toujours près d’un point d’eau…"
Hum ? ? ? ... Et pour dormir ? " Pas
de problème, on vous prête un sac de bivouac".
J’arrête là mes questions idiotes : on verra bien ! D’autres
ont dû survivre, sinon, les randonnées de l’Habitarelle
n’existeraient plus…
On
arrive à Châteauneuf de Randon. Notre guide : Anne Mariage qui
monte Camisard. Première angoisse : quel cheval va-t-on avoir ?
Camille mesure 1m 55. Elle montera JUDITH. Padraig est un grand
costaud, il aura EL MANSOUR. Et moi, je ne suis pas kamikaze. Comment
dit-on ? … : "en arrière de la main" ? Je monte LESTEL.
Nous sommes une quinzaine de cavaliers aventuriers. Mais les chevaux
semblent sympas et la petite troupe finit par s’élancer. Les
téléphones portables n’existaient pas et nous nous étions
engagés à ranger nos montres… Nous voilà hors du temps !
Première péripétie
: Chantal (une habituée, dans la cinquantaine) avait mis des
sacoches de chaque côté de sa selle. Au premier galop, ces sacoches
tapent sur les flancs de son cheval qui part en coups de cul et sa
cavalière se retrouve à terre… Dans quelle galère avions nous
mis les pieds ?
La
suite sera des confettis de souvenirs. D’autant que nous avons fait
plusieurs randonnées et, comme dit plus haut, les souvenirs se
mélangent. Mais je n’oublierai pas ma première soirée. D’abord,
l’étape. Le soleil, les fleurs, les parfums, les oiseaux, la
longue marche des chevaux les uns derrière les autres, sages !
! ! Puis l’arrivée à l’étape et les tâches de chacun. Ranger
les selles. Faire le parc des chevaux. Trouver du bois pour le feu.
Nous étions affamés et fatigués : cette première chevauchée
avait été riche en émotions de toute sortes, en angoisses
surmontées et en échanges chaleureux entre cavaliers. Les
intendants en camionnette étaient novices et géraient leur budget
pour la première fois. Le premier menu du soir n’était pas bien
riche : c’est le sentiment que nous en avons gardé… Notre
intendante s’appelait Caroline. Par dépit, Padraig l’a appelée
Calorine tout le reste du voyage !
Ensuite,
un brin de toilette s'impose.
Certains
habitués courageux et aguerris vont à la rivière et s’y plongent
avec délice… Camille et moi, timides et pudiques, décidons de
prendre nos affaires de toilette et de partir très loin, dans le
pré, en suivant un petit ruisseau. Quand nous nous jugeons à
distance raisonnable du groupe, nous trempons notre gant de toilette
dans ce tout petit ruisseau serpentant au milieu de cette très jolie
prairie de Lozère. Et nous le ressortons… vert : de vase et
de lentilles d’eau ! ! ! Impossible de se laver là. Il a donc
fallu ravaler notre pudeur et aller avec tout le monde, près de la
rivière. La première toilette, hors d’une salle de bain, fut
sommaire.
Après
préparation du repas, toilette et soins aux chevaux, il fallait
installer son sac de bivouac pour dormir. Et trouver le coin adéquat,
assez plat, sans cailloux, isolé mais pas trop, loin d’une
fourmilière… Ce que je ne savais pas, c’est qu’il faut
tester, avant la nuit… Et comme je n’aime pas partager ma couche
avec des invités indésirables, j’ai installé le duvet dans le
sac de bivouac, fermé soigneusement avec quelques pierres le sac de
bivouac et arrosé de citronnelle tout le tour de mon "lit".
Quelle
nuit… D’abord, un peu de citronnelle, ça va, mais trop, c’est
vraiment trop. Ensuite, les cailloux ont une fâcheuse tendance à
remonter dans votre dos, alors que vous pensiez les avoir
soigneusement enlevés. Et, au sud de la Loire, mais à 1300 mètres
d’altitude, même au mois de mai, il GELE !
! ! Déjà, dans la nuit, il a fallu trouver un "chiffon"
quelconque pour se protéger la tête. Au petit matin, tout était
recouvert d’une fine couche de gelée blanche… dont les vêtements
soigneusement pliés à coté de nous…
Fatigués,
mal réveillés, nous avons dû enfiler des vêtements froids et se
dépêcher pour aller donner les musettes à nos chevaux, eux bien
réveillés. Et allumer le feu pour faire le café !
Enfin
revigorés, nous décidons de lever le camp. Mais c’était sans
compter sur Jonquille… Je pense que le cavalier Allemand qui la
montait, savait… Il est donc parti seul, une musette dans la main
droite, bien devant, et les rennes dans la main gauche, bien cachées
derrière le dos ! Et nous autres, cavaliers plus chanceux,
faisions semblant de vaquer à des occupations très tranquilles. Et
dans la fraicheur matinale, nous entendions cet appel émouvant :
JJJONKIL… JJJONKIL…. Et Jonquille, l'œil en coin, broutait
tranquillement, en s’éloignant subrepticement de
son
cavalier dont elle savait bien les intentions ! Ce jour-là, ça
a fini par marcher. Mais un matin il a fallu que la quinzaine de
cavaliers se donne la main pour entourer Jonquille et la "coincer" !
Une fois "en main", elle était adorable !
Deuxième
jour, nous nous enfonçons dans la Lozère profonde. Sous le soleil.
Malgré les avertissements, "Monsieur Je sais tout" refuse
la crème solaire sur les bras. Ce n’est pas viril… Manches
retroussées aux coudes (il faisait très beau) il passe sa journée
à chevaucher. Pendant que les autres ont chaud aussi, mais ont les
bras couverts ! Heureusement, il y avait un médecin parmi nous.
Car le soir, à la veillée, le coup de soleil de Padraig s’était
transformé en une gigantesque cloque.
Comme
tous les soirs, nous installons notre camp. Nous nous occupons de nos
chevaux, de notre feu et de nos couchages. Après diner, dans un lieu
très encaissé et entouré de forêts profondes, c'est la veillée
avec Anne, autour d’un feu de bois. Et Anne, qui a des talents de
conteur extraordinaires, nous raconte l’histoire de la bête du
Gévaudan ! Plus tard, bien qu’adultes "rationnels",
couchés seuls dans nos sacs de bivouac, nous écoutons chaque bruit
inquiétant, en essayant d’analyser s'il s'agit des chevaux ou d'un
intrus ! ! !
Troisième
jour. Nous prenons confiance et Anne a jugé son petit groupe. Nous
la suivons donc dans ces paysages superbes. Et nous papotons entre
cavaliers. Et nous nous reposons en mettant les jambes sur les
quartiers de selle. Et la rêne passée dans le bras, une main tient
le pot de crème et l’autre applique… Anne nous observait et
soudain démarre un galop ! Paniiiique ! Le pot de crème dans
le corsage, on rechausse les étriers, on reprend les rênes et on
savoure ce galop en suspension dans une belle allée forestière. Et
quelle n'est pas notre surprise de voir, dans un pré voisin, une
jument en liberté avec son poulain, nous faire un "brin de
conduite" ! Mais j’avais un cheval extraordinaire, jamais
stressé, jamais pressé et indifférent aux sollicitations. Pour
lui, cette randonnée était tout d’abord une ballade de santé et
chaque jeune pousse ou brin d’herbe le tentait.
Quatrième
jour. Les nuits se passaient mieux. Les cailloux restaient loin du
couchage. Les vêtements enlevés restaient au chaud dans le sac de
bivouac. Une serviette de toilette faisait office de bonnet. Mais,
faute d’expérience, dans notre bagage, vêtements propres et
vêtements sales se côtoyaient et absolument TOUT, sentait le
cheval ! Ce matin-là, Anne nous dit : nous allons aller
galoper sur le Mont Lozère. Certains chevaux connaissaient ;
pas nous ! ! ! Nous grimpons au milieu des genêts en fleur, des
senteurs d’herbes aromatiques. Sublime. Nous arrivons sur un
plateau et là, Anne nous demande de nous arrêter et de nous mettre
en ligne. Elle est devant nous et face à nous pour être sûre que
les consignes sont bien respectées et soudain Camisard amorce un
demi-tour sur les postérieurs et c'est le départ au galop !
J’avais l’habitude des chevaux de manège, qui ont toujours des
comptes à régler et sont peu aimables. J’avais pris confiance
dans nos chevaux de randonnée, au pied sûr et au caractère social.
Mais là, l’esprit de compétition a pris le dessus et malgré la
demande d'Anne de ne pas la dépasser, certains d'entre eux ont
décidé de se défouler. Cette quinzaine de chevaux, presque en
ligne, presque libres, au milieu d’une nature si belle, c’était
un moment magique. Et Anne n’est pas arrivée la première !
Et
que dire de la pelle… En novices urbains, nous nous demandions
bien pourquoi, dans la camionnette, il y avait une pelle pliante. On
ne se voyait pas s’embourber dans les sables du désert. Alors
quand on a vu, au petit matin, un cavalier partir avec elle en
s’enfonçant dans les bois, on a compris ! Toute cette vie
sauvage était bien loin de nos habitudes confortables. Enfant,
j’avais vécu des vacances à la campagne, en Ardèche et les
toilettes, c’était les vignes à côté de la maison. Je m’y
sentais revenir !
Enfin,
dernier soir de bivouac. Nous avions eu froid au petit matin, mais
jamais de pluie. Quelle chance, nous disions-nous, quand une de nos
compagnes nous racontait qu’elle avait fait une transhumance en
octobre et qu’il avait plu tous les jours. Qu’elle s’arrêtait
pour vider ses bottes. Que jour et nuit, elle enfilait des vêtements
mouillés. Que chaque soir, elle montait le marabout dont par chance,
nous n'avons jamais eu besoin et qui nous paraissait extrêmement
exotique… Et qu’il fallait parfois faire demi-tour pour aller
rechercher un cheval qui avait décidé de gambader hors du groupe …
OUF ! Donc, ce dernier soir de bivouac, Calorine décide de mettre
les petits plats dans les grands (le budget serré au début, le
permettait !), et nous fait goulasch et profiteroles ! Bien
sûr on s’est régalés. Mais ce soir-là, le tour de vaisselle
revenait à Padraig (la vaisselle se faisait le matin, au jour). La
vengeance de Calorine eut lieu à ce moment-là : le goulasch
avait attaché dans le plat et dans les assiettes et nos deux
compagnons préposés à la vaisselle durent user d’huile de coude
plus que tous les autres. (Il faut dire que l’un des premiers
achats de Padraig, installé chez lui, avait été un
lave-vaisselle : inutile
de perdre du temps à faire ce qu’une machine fait mieux que
vous !)
Comme
pour nous dire que la parenthèse se terminait, le retour à
l'Habitarelle
se
fit sous quelques gouttes de pluie. Nous avons commencé par ranger
nos selles et les plus courageux montèrent leur cheval à cru pour
les raccompagner au pré. Dernier contact "peau à peau"
avec ce compagnon à qui nous devions tant d’aventures. Puis,
enfin, nous pouvions prendre une douche ! Et il était étonnant
de remarquer que la vapeur qui sortait des douches sentait encore le
cheval ! Dernière nuit dans la grange, dans la paille, avec sac
de couchage. C’était la douce transition entre la randonnée et
notre retour vers la vie urbaine !
Nous
savions que nous recommencerions. Nous savions que nous y emmènerions
nos filles. Et si une chute malencontreuse, avec fracture de la
malléole n’avait pas contrarié nos projets, nous aurions fait
partager ces moments délicieux à notre petite fille, passionnée de
chevaux !
Pour
aujourd’hui …
F.
I. N.!
Brunehilde
Avril 2014
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