Robert doit avoir deux ans, il est déjà
costaud.
Gris-ardoise avec des reflets violets.
Ou verts... ou bleus ? ( Ça change suivant la lumière, alors
je suis pas sûr.)
Robert a deux pattes magenta,
boursouflées et griffues qui piétinent devant mon banc.
Tâtonnent, s'interrogent,
s'apprivoisent.
Robert est un oiseau de la famille des
Columdidae. Vulgairement et injustement dit : "Pigeon".
« Vivant à l'origine dans des
milieux terrestres mais s'étant répandu, pour certaines espèces,
en plaine et dans les villes, se nourrissant principalement de
graines, mais avec un régime très élargi autour des lieux où les
déchets alimentaires leur sont disponibles, ce qui les fait parfois
qualifier d'éboueurs urbains. »
Merci Wiki.
Mais Robert n'est pas qu'un pigeon. Il
est mon ami.
Robert n'est pas un éboueur. Il aime
le surimi.
L'autre jour, je bouffais dehors mon
truc quotidien et dégueulasse...
Robert s'est approché.
Je lui ai lancé du riz. ( Cuit ).
Il a un peu picoré, pour pas me vexer.
M'a regardé.
C'est vraiment dur de capter les yeux
d'un pigeon. Y en a un qui part à gauche, l'autre à droite, faut se
concentrer pour rester au centre de la conversation.
J'ai quand même compris, à la lueur
qui passait dans la pupille rousse, que Robert aurait aurait désiré
d'autres mets que mon basmati bouilli.
Je lui ai lancé un morceau de surimi.
Pour voir.
Il l'a gobé avec la frénésie d'un
goéland qui attend sur le quai depuis huit heures l'arrivée des
chalutiers.
Robert aurait-il de maritimes
origines ?
Serait-il issu, on ne sait jamais, des
amours contrariées d'une mouette et d'un volatile urbain ?
« Roméo et Juliette au pays du
Buëch. »
Serres in the city : le clocher.
Une mouette épuisée ( oui, y en a),
éprouvée par sa traversée de la Méditerranée, rencontre un
Don-Juan pigeon roucoulant et peinard.
Maître de ces lieux et du poteau d'en
face.
Le coup-de-foudre.
L'union des eaux salées, du ciel et de
la terre.
L'absolu indicible des éléments
souverainement réunis.
Maître Pigeon se rengorge. ( C'est la
saison des amours. )
Juliette Mouette se fait belle. (
Enlève avec son bec les traces de mazout de ses plumes.)
La cour.
Gloussements préparatoires et
encourageants. « Tu viens d'où ? ... »... « Tu
fais quoi dans la vie ? ... »... « T'es là depuis
longtemps ? ...
- T'es vachement belle, pour un
oiseau des mers !
- T'es super beau, pour un
oiseau des villes ! »
L'accouplement a dû avoir lieu, par un
soir de coucher de soleil magnifique, loin de mes yeux prosaïquement
et humainement fourvoyés.
En est issu Robert.
Qui aime le surimi.
Je lui file un autre morceau qui
rebondit, orange chimique sur le bitume.
Il l'avale, me regarde ( toujours d'un
œil ), roucoule, bat des ailes.
Je perçois la gratitude éperdue :
il retrouve ses origines !
Tout un chacun a besoin de se
ressourcer, le moment venu. Les pigeons-mouettes aussi, visiblement.
Je renverse la fin de ma gamelle devant
mes pieds : il choisit le surimi.
Il laisse le riz qui consolera les chats.
C'est vrai, j'avais oublié, dans mes
envolées ailées, qu'il y a, dans le périmètre, une concentration
abyssale de félidés.
Comment sustenter, A LA FOI, un
volatile-ami et des matous affamés-car-ennamourés ?
J'adore les chats aussi.
J'en ai un. Qui rapplique quand il a la
dalle.
J'ai un instant l'idée de convoquer
mes ouailles à une conférence plénière.
Mais je parle pas le chat.
Je speak encore moins couramment le
pigeon-mouette.
J'improvise, le bol de croquettes dans
la main gauche, ( je suis gaucher ), le surimi dans la main droite.
Je convoque, je harangue, je hèle.
Le vent dans l'arbre en face me répond.
Il fait vibrer mon réverbère.
Je finis par déposer les croquettes
en-chemin-de-petit-Poucet jusqu'à la maison.
Le surimi, pareil, comme pour E.T,
jusqu'à mon dispensateur de lumière.
Mon chat est revenu, par l'odeur de la
bouffe alléché.
Robert aussi. Je ne saurai jamais si
c'est lui qui a profité de l'offrande, mais il continue de me
draguer.
Ouvertement, en plein jour.
Moi, mes copines, les copines de mes
copines.
Il a décidé de nicher à côté de ma
cheminée.
justesse de l observation liée à l' intelligence de l ecriture , un veritable talent. continuez jeune dame.
RépondreSupprimerD'accord avec le commentaire précédent.
RépondreSupprimerMaintenant, fais parler Robert, sans plagier Colette ou Louis Pergaud. Ce ne serait pas mal, non ? Son regard sur un humanoïde ( C'est comme ça que ça se dit ? )