RESEAU

vendredi 30 mai 2014

Hubert Mingarelli, un silencieux au bout du stylo


Petit fils d’émigrés italiens, Hubert Mingarelli est né en 1956 en Lorraine. A dix-sept ans, il quitte l’école. Deux alternatives s’offrent alors à lui : la sidérurgie ou l’armée. Il choisit la seconde, et s’engage pour trois ans dans la marine nationale. Il passera trois ans sur l’eau, élément si présent dans ses livres, de même que les voyages, la solitude, la guerre. Il y fera des expériences qui seront pour beaucoup à la source de ses récits.
Lorsqu’il s’est engagé volontaire dans la Marine française Hubert Mingarelli dit avoir " pris cette décision en toute connaissance de cause. Je savais que j’y partais pour ça. Embarqué, j’ai découvert la vie et la discipline militaires et je me suis rendu compte que je les supportais mal." 

Puis il revient en France et s’installe près de Grenoble, dans un hameau de montagne. A partir de ce jour, il sait qu’il veut raconter des histoires. Il ne sait pas encore comment. C’est d’abord le dessin et la peinture qui sont ses outils d’expression. Un jour, à Paris, il montre son travail avec l’espoir de décrocher une commande. Sous les images, il avait écrit quelques légendes. Ses dessins passent inaperçu, mais on lui commande un texte…

Il n’a plus arrêté d’écrire depuis.



Sans doute en raison de la simplicité de son écriture et du fait que son personnage principal est souvent un enfant, il est généralement classé comme un auteur jeunesse. Il s'en défend car il souhaite écrire pour tout le monde.
L’écriture d’Hubert Mingarelli a pour mérite de signifier beaucoup en peu de mots. Il est expert dans la peinture de caractères en milieu fermé.Nous y rencontrons deux ou trois personnages, rarement plus, qui vivent et agissent comme ils doivent le faire, dans un paysage épuré par la neige, le sable, la chaleur écrasante ou l’océan.
Ce sont des hommes malmenés par la vie, qui ne se résignent pas, qui font face, déterminés à continuer en gardant leur dignité. Leur vie est faite de solitude, de rêves brisés, mais aussi de moments de solidarité, d’amitié profonde, de partage, de compassion qu’on attrape au vol, d’humour intime...
Les femmes sont relativement absentes de ses romans et nouvelles. Il s'intéresse plus volontiers au rapport père-fils que ce soit dans Une rivière verte et silencieuse (1999), La Dernière Neige (2000) ou encore dans La Beauté des loutres (2002). Dans Quatre Soldats (2003), il évoque l'amitié de ces quatre hommes dont un est à peine sorti de l'adolescence. Les trois nouvelles de son recueil Océan Pacifique (2006) racontent la vie de matelot qu'il a lui même vécue. Cet ouvrage lui vaut le Prix Livre & Mer Henri-Queffélec au Festival Livre & Mer - Concarneau 2007.

« Quatre soldats » a reçu le Prix Médicis en 2003.

Le 31e prix Louis Guilloux a été remis le 11 avril 2014 à Saint-Brieuc à Hubert Mingarelli pour son dernier roman, "L'homme qui avait soif", publié chez Stock

Bibliographie

Le Secret du funambule, MilanEC, 1992. Le Bruit du vent, Gallimard Page blanche, 1991.
La Lumière volée, Gallimard Page noir, 1993.
Le Jour de la cavalerie, Le Seuil, 1995.
L'Arbre, Le Seuil, 1996.
Une rivière verte et silencieuse, Le Seuil, 1999.
La Dernière Neige, Le Seuil, 2000.
La Beauté des loutres, Le Seuil, 2002.
Quatre Soldats, Le Seuil, 2003. (Prix Médicis)
Hommes sans mère, Le Seuil, 2004.
Le Voyage d'Eladio", Le Seuil, 2005.
Océan Pacifique, Le Seuil, 2006.
Marcher sur la rivière, Le Seuil, 2007.
La Promesse, Le Seuil, 2009.
L'Année du soulèvement, Le Seuil, 2010.
La lettre de Buenos Aires, Buchet-Chastel, 2011
La Source, Cadex, 2012
Un repas en hiver, Stock, 2012
L’homme qui avait soif, Stock, 2

Extraits

« Les gens prétendaient que mon père était un raté. Ils omettaient de dire qu’il avait attrapé des truites bleues à la main.
Je fermai les yeux. »
Une rivière verte et silencieuse

« Le flocon sur le bonnet du Juif finalement me tourmentait. […] Parce que si vous voulez savoir ce qui moi me faisait du mal, et qui m'en fait jusqu'au jour de maintenant, c'était de voir ce genre de choses sur les habits des Juifs que nous allions tuer : une broderie, des boutons en couleur, ou dans les cheveux un ruban. Ces tendres attentions me transperçaient […] et je souffrais pour les mères qui s'étaient donné ce mal un jour. Et ensuite, à cause de cette souffrance qu'elles me donnaient, je les haïssais aussi. »
Un repas en hiver


« Brusquement, Pavel s'est redressé et il a demandé :
- Qui a la montre ?
Alors je me suis souvenu que c'était moi. Je l'ai passée à Pavel parce que c'était à son tour de dormir avec. Pas pour la montre dont le mécanisme était cassé, mais pour la photographie d'une femme qui était à l'intérieur. C'était agréable de dormir avec cette photographie. Nous nous imaginions que cela nous portait chance. Nous ne savions pas pourquoi. Je crois même que nous n'y croyions pas, dans le fond, qu'elle nous portait chance. Mais nous aimions à le penser. »
Quatre soldats

« A tout moment, elle prenait forme, elle était vivante. Elle était son ombre. La nuit, il voulait se lever et aller boire dans la cour, au filet d’eau qui tombait dans le tonneau. Mais comme c’était une ombre d’une grande force physique, elle l’empêchait de bouger. Elle restait assise sur lui. Alors il buvait en rêve, mais pour son malheur, c’est l’ombre qu’il abreuvait, et ainsi elle se renforçait, et jusqu’au matin appuyait sur lui comme un arbre mort. »
L'homme qui avait soif



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