Brume et moiteur, l'odeur musquée du
lit et celle, lustrée, de ses propres aisselles.
Est-ce qu'elle peut
attraper le rêve ? Le capturer, l'apprivoiser, le nourrir dans
les méandres de sa cervelle qui flotte ?
Elle amorce sa ligne d'un morceau de
sommeil frais, ferme les yeux et attend. L'appât vole au dessus des
draps, décrit de curieuses arabesques, joue avec les fentes des
volets et la petite musique dans sa tête. Mais s'évanouit comme un
fantôme plein de trouille.
« Pas plus de poisson que
d'hameçon » dit-elle en ramenant le fil.
Elle se lève pour écrire.
Le bol de thé trop chaud sur le
tabouret, la première cigarette, (celle qui donne le tournis et fait
danser la fenêtre), le bloc A4, la gomme, le crayon : elle est
prête.
Elle va dans l'écriture comme dans la
rivière. Fraîche, inattendue, transparente.
Elle lui offre ses bouts de nuit et ses
pieds nus sur le carrelage, dans une singulière espèce
d'apesanteur, entre le verbe et le réel. C'est son armure de
douceur, son banc de sable à l'écart du courant.
L'eau est proche. Elle approche,
écoute, contemple le ciel dans une flaque... un peu fautive.
Mais les enfants dorment encore. Elle
est allée les voir, a remonté les couvertures, a ramassé le doudou
tombé et a refermé religieusement la porte.
Les chats font des câlins à sa jambe
de pyjama, le chien s'assoit, plein d'espoir, sur sa queue rousse
d'écureuil, ce qui veut dire en langage codé : « J'ai
faim ! »
Ils attendront un peu : elle est
partie à la pêche.
Elle trépigne sur la berge boueuse de
sa rivière, fouille à deux mains, écarte les herbes hautes qui
collent aux doigts, bute sur les galets encore endormis : elle
cherche des mots. Elle a pris son épuisette, elle est pleine
d'espoir.
Elle arpente la rive sans se décourager, en trouve des petits : ils frétillent, ils sont tout frais.
Elle arpente la rive sans se décourager, en trouve des petits : ils frétillent, ils sont tout frais.
Tout à l'heure, elle les servira au
petit déjeuner, entre deux tartines de Nutella et le verre de jus
d'orange. Ses histoires aiment être tachées de chocolat et ses
enfants aiment les histoires au chocolat.
Les bruits ténus de la maison dérivent
sur l'eau avec le cri plaintif du petit-duc en fin de chasse, son
compagnon de gribouillis. Elle se lève, lui parle un peu depuis le
balcon, revient et renfile ses bottes mouillées.
Les phrases s'agrandissent, gobent les
images comme la grenouille gobe la mouche, pas très loin. Verte avec
des yeux dorés.
Elle fronce les sourcils, se ronge un
ongle. Toujours le même, le pauvre n'en peut plus. Tend l'épuisette...
Doucement... Prudemment : elle veut attraper la mouche ET la grenouille.
Le ciel commence à se teinter de gris,
le matin dérobe les formes, il va certainement pleuvoir. Elle aime
la pluie. La pluie abreuve sa rivière et coule sur ses gamins. Ils
vont devoir rester enfermés.
Ils vont inviter des copains, faire la
nouba autour de la table encombrée de feuilles, réclamer du
pop-corn, et l'histoire mettra une robe de fête.
Un gros poisson en costard-cravate ?
Ça fait des bulles pas loin. Ça mord.
Un léger clapotis, les ondulations
d'un paragraphe entre les roseaux : elle sourit.
« BONJOUR MAMAN ! »
Quels symboles ! Il faut avoir pratiqué les textes de NaÏs pour commencer à comprendre si on ne la connait pas. Tout se tient dans ses textes. Moi je comprends...
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